En novembre 2019, « L’Echo », un journal financier belge annonçait que les entreprises belges actives dans la technologie et la biotechnologie avaient levé 491 millions d’euros au premier semestre. Un véritable record quand on sait que ce sont les entreprises technologiques qui ont eu la plus grosse part de gâteau. Un record d’autant plus intéressant car il soulève une question : celle de savoir quel type de technologie est le plus en vogue dans le pays. Si l’article met en vedette l’intérêt et la croissance des entreprises qui développent des logiciels, il a surtout nourri des interrogations qui étaient alors déjà présentes au sein de notre équipe : et la place de la fabrication additive dans tout ça ?   

Le sujet avait déjà été soulevé dans le passé – au cours d’une ou de deux interviews ici et là avec des acteurs du marché – mais toujours très brièvement, comme si au final, on avait peur d’en parler. Les réponses donnent « un ton », une « tendance » mais pas la réalité. La vérité est qu’un acteur déjà spécialisé dans la fabrication additive qui doit donner son avis sur la fabrication additive du marché aura certainement une vue axée sur un seul angle. Le sien. Alors, comment se porte le marché de la fabrication additive (FA) belge ? Quelles sont les opportunités pour les entreprises nationales et internationales ? Quels sont les points d’amélioration ? Nous avons fait le point avec Agoria.  

AGORIA.  

Agoria est la fédération nationale des entreprises belges technologiques. Avec plus de 1900 entreprises belges dans son portefeuille, l’organisation est la plus grande association professionnelle qui contribue à l’élaboration des politiques aux niveaux régional, fédéral et européen afin d’améliorer le climat social et économique des entreprises de l’industrie technologique. Une organisation qui nécessite une certaine structure.  

Camille MOMMER

Nous avons échangé avec Camille MOMMER, Business Group Leader Manufacturing,  
Manufacturing & Innovation Services chez Agoria, qui mentionne d’entrée de jeu comment l’organisation travaille et comment le sujet de « la fabrication additive » a fini par arriver sur la table :  

« On divise nos entreprises en 2 grands secteurs : un secteur dédié à la manufacturing (fabrication de machines ou de pièces) et un secteur dédié aux entreprises digitales. En mai 2018, nous recevions déjà pas mal de questions venant de nos membres sur la FA. Très vite, nous avons réalisé qu’en fait, la technologie est le lien qui permet de quitter du digital au produit physique. Ma prédécesseur avait au préalable réalisé une enquête pour tester le sujet et son intérêt. Réalisée en collaboration avec PwC, et sortie l’année dernière, l’enquête révélait qu’il y avait un marché avide d’en savoir plus mais ne savait pas comment s’y prendre.  On a donc rassemblé une vingtaine d’entreprises qui étaient intéressées par le projet afin de travailler sur le sujet à travers des projets ou des séances d’information. » 

L’approche des 4E 

Sur une échelle de 1 à 10, à combien peut-on situer le niveau d’adoption des technologies d’impression 3D / Fabrication additive par les acteurs du marché belge ?  

« Mon côté scientifique a dû mal à vous répondre », annonce Camille. Bioingénieure de formation, elle a travaillé dans la recherche avant de s’impliquer dans des organisations qui accompagnent les entreprises tant au niveau financier, que dans la recherche de leviers de croissance pour leur business.  

« Les freins identifiés à l’époque – il y a 2 ans – restent quand même valables », poursuit-elle. « Beaucoup d’entreprises ne se rendent pas encore compte de son potentiel, et celles qui décident de se lancer, ne savent pas comment s’y prendre pour évaluer le potentiel pour leur entreprise ou alors n’ont pas la main d’œuvre qualifiée. »  

C’est d’ailleurs pour cela que le rapport de PwC sur l’étude de la FA en Belgique recommande l’approche des 4E : 

« Le principal défi à relever pour améliorer les processus ou créer de nouveaux produits utilisant la FA est d’identifier les premiers cas d’utilisation. Toutes les entreprises sont confrontées au même cercle vicieux : identifier les bonnes opportunités de FA augmente [leur] position dans la courbe d’apprentissage et crée un savoir interne. Ce savoir-faire interne permet de résoudre (en partie) les défis en matière de technologie et de coûts, car il vous aide à identifier les prochaines bonnes opportunités. La première étape consiste à commencer quelque part » explique le rapport. Aussi l’approche des 4E consiste à : Explorer, Estimer, Evaluer, Expérimenter.  

De son côté, Agoria a commencé à mettre en pratique cette approche pour ses entreprises membres. En novembre dernier, l’organisation a commencé par viser les plus jeunes : afin de susciter leur intérêt et leur capacité à « penser de manière additive », ils ont lancé le « 3D Print Challenge ». Destiné aux professionnels et étudiants de toute université, le concours consiste à concevoir et fabriquer par impression 3D un produit destiné à la grande consommation ou à une application industrielle.  

Si les jeunes professionnels pourront explorer (davantage) le potentiel de la technologie, Camille explique que, le but pour les étudiants qui participent à cet exercice, est de les amener à considérer comme option la possibilité de travailler plus tard dans ce domaine.   

Comment travailler avec les entreprises belges ?  

La question qui vous fera gagner des millions. Pour travailler avec des entreprises belges, il faut comprendre le contexte du pays ; un pays qui a trois principalement régions – la Flandre, la Wallonie et Bruxelles – qui évoluent chacune de façon indépendante.  

« L’impression 3D n’a pas évolué de la même manière en Wallonie et en Flandre. Les profils d’entreprise sont d’ailleurs différents. En Flandre, nous avons des entreprises très spécialisées », explique la Business Group Leader du secteur Manufacturing d’Agoria.  

On remarque ainsi que des associations telles FLAM3D dédiées à promouvoir et accompagner les entreprises de la FA ont pris rapidement ce train en marche dans la région flamande et – aux Pays-Bas.  

« La Wallonie par contre abrite des entreprises industrielles, des grands groupes de l’aérospatiale ou des pointures telles que Sirris, devenu un acteur incontournable sur le marché. Ce type d’entreprises ne va pas contacter un sous-traitant pour la fabrication des pièces. Du fait de l’envergure de leurs activités, elles préfèrent investir dans les technologies (comprendre dans l’achat des systèmes de FA et/ou logiciels) », poursuit la bioingénieure.  

Et Bruxelles ? La « Belle » n’abrite plus beaucoup la « vraie industrie », pour reprendre les mots de Camille. La ville abrite quelques entreprises qui ont décidé de se spécialiser dans certains secteurs d’activités. C’est le cas de la startup Spentys, qui sort du lot avec son service de prothèses imprimées 3D.  

« De manière générale, la technologie médicale évolue bien dans le pays et une autre entreprise qui le prouve est Materialise. Dans la santé, c’est facile de faire comprendre la valeur de la technologie, même si son coût amènera à la réflexion. », complète le porte-parole.   

Quelle que soit la région…un type de profils sort du lot  

Enfin, on réalise quand même, que les entreprises qui peuvent avoir un fort intérêt à intégrer la technologie sont en général des PMEs industrielles.   

Pour Camille, pour ce type d’entreprises, la réflexion est double car, il est certain, même si elles arrivent à y voir un potentiel, elles ne peuvent investir avec la même « largesse » que les grosses entreprises.  

Pour ces entreprises, il faut donc que le retour sur investissement, soit certain, chiffré et précis.  

Peut-on encore parler de facteurs qui freinent la croissance de la FA ?  

Avant toute chose, il faut dire que dans cette industrie, on a des facteurs qui sont généraux, propres à bon nombre de marchés.  

De manière générale, l’aspect financier est souvent soulevé mais dans ce cas précis, notre scientifique pense que si le « business case » est clair, l’investissement sera vite fait – même si calculer le ROI reste un peu compliqué.  

En Belgique, il y a la question des opportunités du marché et à ce jour, l’opportunité à saisir est aussi (et surtout), la valeur ajoutée que la technologie apporte en fonction des métiers.  

En début 2020, la fédération belge a estimé à 20 000 le nombre d’emplois que le secteur technologique créera d’ici 2024. « Il faut donc intensifier l’activation », comme le disait le CEO Marc Lambotte, et sur ce coup, les entreprises de la FA ou qui veulent adopter cette technologie, ont leur part de responsabilité.  

Dans les écoles (universités et hautes écoles), si on ne doute plus de l’expertise des enseignants et des unités de recherche, on note, selon Camille Mommer, que les hautes écoles de design ont commencé à intégrer cet enseignement à leur cursus. Au niveau des universités, l’effort reste à fournir.  

Que faut-il retenir ?  

Pour un pays qui exporte principalement vers l’Allemagne, la France et les Pays-Bas, la Belgique présente tout de même un bon présage pour son industrie manufacturière. Comme partout, il y a des points d’amélioration, et le bon côté est qu’on sait où l’intervention doit être faite.  

Cependant, il faut noter que dans cette industrie, on compte du bout des doigts les « géants » qui se sont spécialisés dans la FA et certains d’entre eux sont Belges.  

« On peut être fier de l’écosystème Belge. Il y a un niveau d’entreprises disponibles qui ont suffisamment d’expertise pour accompagner les entreprises qui veulent se lancer et c’est un point non négligeable », conclut Camille Mommer.   

Cet article a été publié pour la première fois dans le numéro de mars/avril de 3D ADEPT Mag, dans le cadre de la rubrique « Country Focus ». N’oubliez pas que vous pouvez poster gratuitement les offres d’emploi de l’industrie de la FA sur 3D ADEPT Media ou rechercher un emploi via notre tableau d’offres d’emploi. N’hésitez pas à nous suivre sur nos réseaux sociaux et à vous inscrire à notre newsletter hebdomadaire : Facebook, Twitter, LinkedIn & Instagram !