Mettez deux vétérans de la fabrication additive ensemble, avec une expertise respective sur le marché commercial et économique actuel de l’industrie de la FA et le côté technologique, et vous pouvez vous attendre à une conversation sur les idées qui comptent dans le monde de la fabrication additive. Il y a quelques semaines, lors d’un café matinal, Markus Glasser, vice-président senior de la région EMEA chez EOS, et Marius Lakomiec, chef d’équipe des solutions numériques de FA chez EOS, se sont assis avec moi pour discuter de la numérisation et de l’automatisation. On peut dire que je suis passée par toute une série d’émotions ce jour-là – et je vais vous dire pourquoi ci-dessous – mais j’ai fini par admettre que l’entreprise d’impression 3D industrielle EOS fait des miracles lorsqu’il s’agit d’intégrer la numérisation et l’automatisation dans les industries les plus exigeantes qui utilisent les technologies de FA.
Si vous m’aviez dit, il y a quatre ans, de m’asseoir avec Glasser et Lakomiec pour discuter de la numérisation et de l’automatisation dans l’industrie de la FA, j’aurais refusé. Pour une simple raison : Je suis très prudente avec les « buzzwords » – s’ils ne sont pas bien utilisés, ils peuvent facilement devenir une arme de marketing solide que les entreprises utilisent pour promettre beaucoup et délivrer peu. Et si nous devions dresser une liste des « buzzwords » les plus répandus dans notre secteur, la numérisation et l’automatisation figureraient en tête de liste. Ainsi, si j’étais dubitative au début de cette conversation avec les représentants d’EOS, j’ai prêté une oreille attentive à l’état d’esprit, la stratégie, aux atouts technologiques de l’équipe et à la manière dont ils sont actuellement déployés pour atteindre leurs objectifs.
Par ailleurs, il est crucial de prendre en considération le marché actuel – qui est animé par de nombreux changements économiques, politiques et même sanitaires (en raison de la pandémie de Covid-19), et ces changements poussent les industries à reconnaître l’importance désormais vitale de la numérisation et des processus d’automatisation, afin de favoriser leur adoption pour le bien de leur entreprise.
« Nous ne pouvons pas aller de l’avant sans prendre en considération tous ces aspects », dit Glasser, en parlant des changements économiques, politiques et même sanitaires actuels. « Nous devons même désormais prendre en considération l’augmentation des coûts énergétiques à laquelle le marché doit faire face. Cela signifie que nous devons explorer de nouvelles façons de créer des marchés et des produits qui économisent l’énergie. La numérisation et l’automatisation jouent un rôle clé à cet égard. Prenons l’exemple de l’industrie automobile : alors que le monde a besoin d’une alternative fiable aux transports à base de carburant – ce à quoi les véhicules électriques pourraient très bien contribuer – les équipementiers automobiles sont confrontés à plusieurs défis concernant l’approvisionnement en composants, la chaîne d’approvisionnement et les problèmes de qualité – pour n’en citer que quelques-uns -, qui peuvent tous être résolus par la transformation numérique, la FA et l’automatisation. Les fabricants du secteur des biens de consommation, qui dépendent beaucoup des ressources provenant de Chine pour fabriquer leurs produits finaux, sont confrontés à des problèmes similaires. Une chose que nous avons apprise de la pandémie est qu’il y a une opportunité à explorer si nous nous concentrons sur le marché local et cela peut être fait en toute sécurité si la numérisation et l’automatisation aident à atténuer ces risques », ajoute-t-il.
Avant de compléter les déclarations de Glasser, les premiers mots de Lakomiec ont laissé entendre qu’il avait compris ces sentiments suscités par les « buzzwords »: « Le problème avec les « buzzwords », c’est qu’ils ne permettent pas aux professionnels de se concentrer sur ce qui compte : la technologie qui permet une véritable transformation ; ils donnent l’impression que [les processus de fabrication peuvent être ajustés et améliorés en un clin d’œil]. Industrie 4.0, numérisation et fil numérique sont de véritables « buzzwords » mais qui nécessite du temps pour qu’on puisse voir la transformation. Il devrait s’agir de la technologie et de la façon dont elle permet la transformation. » Prenant l’exemple de la chaîne d’approvisionnement au sein de l’industrie automobile, Lakomiec explique que les équipementiers automobiles ont commencé à reconsidérer leur stratégie de production de composants. En réalité, le nombre d’obstacles ne cesse d’augmenter : pénurie de matières premières, inflation des prix, sans parler des problèmes de fabrication qui auraient pu être évités, etc. créant un effet domino sur toute la chaîne de valeur.
L’industrie automobile n’est qu’un exemple parmi tant d’autres et la vérité est qu’il y a tellement d’éléments à prendre en compte que cela peut rapidement devenir accablant pour les entreprises qui tentent de trouver leur voie. Tout en tenant compte de l’environnement économique, social et politique actuel, ma conversation avec les représentants d’EOS met en évidence trois domaines d’intérêt pour le marché actuel de la FA :
- Où il est judicieux d’intégrer la numérisation et l’automatisation dès maintenant.
- La considération des coûts et
- Le domaine d’intérêt où il faut concentrer son attention.
Où il est judicieux d’intégrer la numérisation et l’automatisation dès maintenant
Le thème de la numérisation et de l’automatisation est si vaste qu’il pourrait remplir un magazine entier. En tant que presse professionnelle mondiale axée sur la FA, il était logique d’en parler à travers le prisme des industries verticales adoptant les technologies de FA.
« Nous devons explorer chaque élément susceptible d’affecter la fabrication dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement. Pour ce faire, dans notre division de FA, nous appliquons de véritables jumeaux numériques qui peuvent tout simuler en amont », souligne Lakomiec.
Alors que l’élan vers la numérisation prend de l’ampleur et que la valeur du fil numérique est chantée aux quatre coins de l’industrie, le jumeau numérique s’est positionné comme l’un des concepts technologiques avancés qui pourraient aider les fabricants à gagner en crédibilité et en viabilité dans la fabrication numérique. Dans un récent dossier consacré à la technologie du jumeau numérique (JN), 3D ADEPT Media a découvert que le JN pourrait être une solution potentielle pour surmonter de nombreux problèmes dans la fabrication additive, mais le manque de compréhension approfondie de ce concept, du cadre et des méthodes de développement constituent des facteurs clés qui ralentissent le développement et l’intégration de cette technologie dans les environnements de production de FA. Le concept du JN va au-delà de ce qui peut arriver à un produit physique, pour englober la prédiction de la production et des performances dans des environnements spécifiques. Cela signifie que la compréhension du JN par les professionnels de l’industrie peut varier d’une situation à l’autre, car ils peuvent se référer au JN d’un produit, d’une production ou d’une performance.
Dans ce cas précis, le responsable de l’équipe Digital AM Solutions d’EOS a mis l’accent sur l’importance du JN dans un environnement de production. Cela signifie que leur technologie peut créer une copie virtuelle d’un composant du monde réel dans le processus de fabrication en utilisant les entrées d’un composant du monde réel pour refléter l’état, la fonctionnalité et/ou l’interaction de la pièce réelle avec d’autres dispositifs.
« En appliquant le JN, nous pouvons identifier, prévoir et résoudre les problèmes en amont. Nous pouvons savoir exactement la quantité de pièces qu’une production pourrait exiger, le nombre de machines nécessaires à leur production – si nous utilisons des machines de taille moyenne ou grande -, s’il y aura des goulots d’étranglement, où ces goulots d’étranglement se situeront s’ils se produisent, le nombre d’équipes nécessaires et même le nombre d’opérateurs qui seront nécessaires pendant la production », explique le chef d’équipe Digital AM Solutions.
Si vous êtes comme moi, et qu’avant de regarder un film, vous regardez la bande-annonce et lisez le synopsis (et tout ce qu’il y a entre les deux) pour avoir la certitude que vous ne serez pas déçu parce que le film aura une fin heureuse, alors la technologie de JN est faite pour vous. Vous ne serez pas déçu à la fin de la production parce que vous aurez évalué la dynamique de la chaîne d’approvisionnement, identifié les problèmes avant qu’ils ne surviennent et anticipé la réussite du processus.
En parlant des industries verticales qui bénéficieront le plus du JN, le vice-président senior de la région EMEA mentionne « l’aérospatiale, l’énergie et les industries médicales si nous nous en tenons aux applications d’impression 3D métal. » « Globalement, nous pouvons faire en sorte que le client bénéficie de l’ensemble de la chaîne de valeur. Nous travaillons actuellement avec différents partenaires tels que Siemens Energy pour optimiser un large éventail de solutions. Notre objectif à long terme est de permettre l’adoption de notre technologie de JN sur l’ensemble de la chaîne de valeur, du produit à la production et à la performance », ajoute-t-il.
En attendant, l’équipe se concentre sur les problèmes immédiats à résoudre et travaille main dans la main avec des partenaires qui apportent des compétences techniques différentes. En travaillant sur des projets spécifiques (comme le projet du « climatiseur » mentionné dans les lignes ci-dessous), l’équipe EOS peut développer des processus optimisés pour les applications finales. Cela dit, Glasser note que l’industrie verticale qui bénéficiera certainement le plus de la technologie du JN est l’industrie aérospatiale. Selon lui, c’est « une industrie qui tire actuellement parti de la FA pour la production en série. Avec les entreprises aérospatiales, la discussion ne porte plus sur l’adoption ou non du JN, mais sur la gestion du changement – (un sujet que nous avons abordé avec Markus Tacke, CEO d’Oerlikon – précisez la page dans le mag ou le lien intégré). « Il s’agit de certifier l’ensemble du processus pour obtenir une production finale viable. »
Jusqu’à présent, en théorie, la technologie du JN est une technologie prometteuse qui peut changer radicalement toute activité de fabrication. En pratique, nous savons que toute solution avancée a un prix que toutes les entreprises ne peuvent pas toujours se permettre de dépenser et c’est une réalité que les fournisseurs de technologies de pointe ne doivent pas négliger.
La prise en compte des coûts
Dans l’industrie actuelle, les grands équipementiers et les grandes entreprises font régulièrement la une des journaux avec des annonces liées aux inaugurations et aux créations de centres technologiques du type « usine du futur ». Ces derniers présentent des solutions de fabrication numérique et d’automatisation, et nécessitent de gros investissements pour déployer les changements dans la production. Les acteurs plus petits ont une histoire différente. Pour eux, les changements de processus et de technologie sont motivés par un retour sur investissement plus concret et à plus court terme, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas toujours disposer des ressources nécessaires pour intégrer des solutions de fabrication numérique, mais qu’ils devraient également être en mesure de tirer parti de ces technologies.
« Et elles le peuvent », s’enthousiasme Glasser. « Nous avons un processus de fabrication sous contrat avec des fabricants certifiés qui permet aux PMEs de bénéficier de solutions de fabrication numérique avancées. Nous travaillons actuellement avec Oerlikon dans ce domaine. Et il est possible de faire beaucoup plus : nous pouvons aussi remodeler un peu notre portefeuille et réduire le CAPEX pour les petites entités et nous travaillons à intégrer des centres d’innovation où les PMEs pourraient en apprendre davantage sur les solutions technologiques qu’elles pourraient exploiter dans leur activité ».
« Nous avons également vu des PMEs s’impliquer directement dans des projets financés par l’UE ou les régions. Ces projets fournissent aux entreprises des normes et des réglementations qu’elles peuvent utiliser dans leur activité. Le projet POLYLINE en est un bon exemple puisqu’il rassemble des experts de la science, de la recherche et de l’industrie autour du développement de solutions d’automatisation pour l’utilisation de la FA dans l’industrie automobile. D’autres solutions pour les PMEs pourraient consister à explorer les plateformes créées par les sociétés de logiciels qui visent à permettre la production (locale) dans plusieurs pays », commente Lakomiec.
Le domaine d’intérêt où il faut se concentrer
Avec tout ce qui a été dit dans les lignes qui précèdent, avec la pression croissante des coûts d’une part et le principal défi de la FA qui est d’assurer la répétabilité, d’autre part, les domaines d’intérêt actuels varient d’une entreprise à l’autre.
Lakomiec souligne que l’assurance qualité, la numérisation et l’automatisation sont des sujets qui seront toujours discutés à de multiples niveaux et à des degrés différents, mais la conversation sur les coûts et la capacité à sécuriser et à contrôler la chaîne de valeur sont des éléments qui affecteront les processus de prise de décision et qui devraient donc être la prochaine priorité.
Pour Glasser, en revanche, le prochain domaine d’intérêt devrait être les applications. Comme de nombreux initiés du secteur, Glasser pense que le fait de travailler sur les bonnes applications permet de faire progresser et d’optimiser les processus de fabrication. L’un des récents partenariats montre qu’EOS est en train de joindre le geste à la parole. En effet, avec Hyperganic, ils vont construire un climatiseur résidentiel qui consomme 10 fois moins d’énergie grâce à la FA.
Pour l’avenir, je comprends leurs différentes visions : avoir un contrôle total des coûts, de l’assurance qualité et de la chaîne de valeur, c’est en quelque sorte avoir la certitude que votre application sera viable et respectera les normes industrielles, mais permettre aux applications de fonctionner grâce à ces processus est l’exemple tangible qui démontre qu’ils fonctionnent parfaitement ensemble. C’est un cercle vertueux.
Cette double interview a été réalisée à l’approche d’AMTC, la conférence européenne de niveau C consacrée à la fabrication additive – et où EOS a joué un rôle influent. Elle a été premièrement publiée dans le numéro de Septembre/Octobre de 3D ADEPT Mag.