Il y a quelques années, pour comprendre comment « repenser la conception » en tenant compte des capacités des technologies de FA, nous avons abordé la transition de la conception pour la fabrication (DfM) à la conception pour la fabrication additive (DfAM = Design for Additive Manufacturing). Le dossier que nous avons publié abordait la véritable définition de la conception pour la fabrication additive et mettait en lumière une chose : lorsqu’elle est bien réalisée, la conception pour la fabrication additive peut réellement augmenter la valeur de la pièce. Aujourd’hui, on se rend compte que la boîte à outils « DfAM » reste un mystère pour de nombreux ingénieurs et concepteurs, et l’une des raisons qui peut expliquer cette énigme est le fait que cette boîte à outils se limite la plupart du temps à deux principes : La conception générative et l’optimisation de la topologie.
L’article ci-dessous vise à servir de point d’entrée pour aider les concepteurs et les ingénieurs à comprendre les différents outils de conception inclus dans la boîte à outils DfAM, ceux qui peuvent permettre la production et l’industrialisation (forces et limites), ainsi que ceux que nous devrions garder à l’œil au fur et à mesure que le domaine continue de progresser. À l’avenir, chaque outil de conception fera l’objet d’un examen approfondi dans des articles spécifiques.
Donc, oui, la conception générative (GD = Generative Design) et l’optimisation topologique (TO = Topology Optimization) sont souvent les techniques de conception les plus mises en avant lorsqu’il s’agit de concevoir pour la FA. Selon Tim W. Simpson, professeur de génie mécanique et industriel à l’université d’État de Pennsylvanie, cela peut s’expliquer par le fait qu’elles « existent depuis longtemps et présentent souvent des avantages immédiats en termes de gain de poids et d’augmentation de la valeur lors de l’utilisation de la FA ». En réalité, la FA étant une technologie dont l’histoire s’écrit encore, de nombreux concepts ne sont pas universellement normalisés, et la DfAM en fait partie. C’est la raison pour laquelle une compréhension approfondie de chaque concept nécessite une combinaison d’informations provenant à la fois du monde universitaire et de l’industrie.
Dans ce cas précis, nous avons décidé de nous appuyer sur l’expertise de Tim Simpson, qui est l’auteur de plusieurs articles publiés sur e sujet.
Selon notre expert, les autres techniques comprennent :
- Les structures en treillis, un moyen de réduire le poids ou d’augmenter la rigidité. On parle souvent de « conception de structures multi-échelles », telles que les structures en treillis ou les structures cellulaires.
- La bio-inspiration, une approche souvent assimilée aux algorithmes de conception générative, mais beaucoup plus large.
- La consolidation des pièces ou « unitisation », utilisée pour réduire le poids et les coûts d’assemblage, tout en augmentant l’intégrité structurelle d’une pièce obtenue par FA.
- Inversement, on peut aussi utiliser la FA pour fabriquer des structures intentionnellement poreuses, qui offrent de nombreux avantages en matière de gestion des fluides et de la chaleur, par exemple.
- L’intelligence artificielle (IA) permet toutes sortes de nouvelles approches informatiques en matière de DFAM.
« Une bonne vieille conception « intelligente » peut également s’avérer très utile dans le cadre de la DFAM. Nous sommes tellement habitués à concevoir des pièces en CAO que nous avons tendance à nous limiter à ce qui est facile à faire en CAO : se déplacer dans les dimensions X, Y, Z, extruder, balayer, tourner, etc. La FA vous libère de ces contraintes, ce qui nécessite de libérer votre esprit de la façon dont vous pensez souvent lorsque vous créez un modèle en CAO, ce qui implique souvent de soustraire de la matière à des géométries plus grandes qui sont combinées pour créer des formes complexes. En bref, les concepteurs doivent penser « de l’intérieur vers l’extérieur » plutôt que « de l’extérieur vers l’intérieur » lorsqu’ils utilisent la CAO pour la fabrication assistée par ordinateur. C’est une façon de commencer à changer l’état d’esprit pour la FA, et c’est vraiment ce que la conception générative et l’IA font – inspirer les concepteurs à penser différemment sur la façon de créer des géométries uniques qui peuvent maintenant être construites avec la FA », ajoute le professeur Simpson.
Outre ces outils, de nombreux experts considèrent souvent la personnalisation de masse comme une technique de conception. S’il ne s’agit pas d’une méthode à proprement parler, nous pensons qu’elle en est une, car la production d’un moule différent pour chaque ajustement de produit demandé demande généralement beaucoup de temps, mais ce temps est réduit grâce à un fichier 3D facile à modifier qui permet la personnalisation.
Cela dit, quelle que soit la méthode choisie, le concepteur gardera toujours à l’esprit la forme, la fonction, l’esthétique et, aujourd’hui, de plus en plus, les éléments de durabilité de la conception d’un produit.
Stratégies de conception et techniques de conception
Il est inutile de connaître toutes ces techniques de conception si l’on ne sait pas où et comment utiliser chacune d’entre elles. Il va sans dire que le choix d’une technique de conception exige avant tout une compréhension approfondie des étapes du processus de conception : la conception du composant, la conception de la pièce et la conception du processus.
Pour faciliter la prise de décision concernant les produits ou les composants qui devraient être fabriqués avec la fabrication additive (FA), une étude de Christoph Klahn, chef du groupe Design for New Technologies à l’ETH Product Development Group, mentionne quatre points pour lesquels la technologie de FA offre des possibilités d’ajouter de la valeur au produit par rapport aux méthodes de fabrication conventionnelles.
Le premier est la conception intégrée, où l’accent est mis sur la réduction du nombre de pièces dans le système. Le deuxième est la possibilité d’individualiser les produits ou les composants. Le troisième point est que la méthode de fabrication permet une conception plus légère par rapport à la fabrication conventionnelle. Le quatrième point est la possibilité de créer des conceptions plus efficaces, basées sur le fait qu’une pièce plus complexe n’est pas plus chère à fabriquer qu’une pièce simple.
À ces éléments, Klahn ajoute la perspective de l’analyse de rentabilité, qui peut être motivée par la fabrication (production rapide, personnalisation potentielle, sans besoin d’outils ou de moules spécifiques – donc possibilité de modifier le processus de fabrication à d’autres étapes du développement du produit) ou la fonction (tirer pleinement parti de la forme libre de la conception offerte par l’AM ; peut être lié à une technique de FA spécifique et peut-être même à une machine spécifique).
En plus d’aider à choisir la stratégie de conception idéale à suivre pour une application donnée, ils aident également à décider des outils de conception à utiliser. Tim W. Simpson répond à cette question :
« Malheureusement, les outils et les techniques de conception sont souvent limités – ou dictés – par les logiciels dont l’utilisation est approuvée au sein d’une entreprise. Il existe d’innombrables start-ups et outils logiciels basés sur le cloud, par exemple, qui sont maintenant disponibles pour la DFAM, mais ils ne figurent souvent pas sur la liste d’approbation ou ne sont pas accessibles à travers le pare-feu de l’entreprise. Les étudiants et les universitaires ont beaucoup plus de flexibilité et de liberté dans ce qu’ils peuvent utiliser, ce qui pourrait éventuellement contribuer à transformer les outils et les logiciels de DFAM utilisés dans l’industrie.
L’impact de toute technique de conception est évalué en fonction de l’efficacité et de l’efficience avec lesquelles le logiciel peut aider les concepteurs à mettre au point une solution qui répond aux exigences, qui existent toujours pour tout ce qui est conçu, quelle que soit la manière dont le produit est fabriqué. Ainsi, la recherche de conceptions plus légères, par exemple, peut servir de base à la comparaison de deux solutions, à condition que toutes les autres exigences soient satisfaites ».
Principales spécifications des méthodes de conception
Soyons clairs : cette partie de l’article n’a pas l’ambition de dire qu’une technique de conception spécifique est meilleure qu’une autre. Cependant, plus on analyse le processus de fabrication des pièces imprimées en 3D, plus on se rend compte que certains avantages peuvent jouer en faveur de certaines techniques de conception, selon qu’elles aident la pièce imprimée en 3D à offrir une valeur économique, écologique ou d’expérience.
Par exemple, l’optimisation topologique est une technique principalement utilisée pour alléger la conception de pièces structurelles (à valeur d’expérience/fonctionnelle). Cela signifie qu’elle peut aider à créer une conception qui a été optimisée pour l’intégrité structurelle sur la base de critères existants, alors que la conception générative peut aider à créer plusieurs conceptions de manière évolutive.
« Les outils d’optimisation topologique ont certainement une longueur d’avance, étant donné l’ancienneté de ces outils logiciels et de ces algorithmes. Les outils de conception générative rattrapent rapidement leur retard, et nous voyons beaucoup plus de conceptions basées sur des treillis maintenant, étant donné la disponibilité de meilleurs outils logiciels pour générer des géométries de treillis complexes. Les outils basés sur l’IA commencent à exploser autour de nous, et nous verrons certainement toutes sortes d’approches nouvelles dans les deux ou trois prochaines années.
En fin de compte, la pièce obtenue par FA doit répondre aux exigences et être plus rentable que toute autre option de fabrication ; sinon, pourquoi une entreprise voudrait-elle utiliser la FA ? Il est vrai qu’il existe de nombreuses façons de rendre une pièce imprimée 3D plus rentable, au-delà d’une simple comparaison directe des coûts des matériaux et de la fabrication, mais cela reste essentiel pour permettre la production et l’industrialisation des pièces et des produits de FA », souligne le professeur Tim W. Simpson.
Par ailleurs, la conception computationnelle (qui comprend la conception paramétrique, la conception générative et la conception algorithmique) évolue de plus en plus à mesure que des normes sont établies dans ce domaine. Cependant, il faut garder à l’esprit ce que Matthew Shomper nous a dit dans l’édition de mars/avril de 3D ADEPT Mag (segment logiciel | pp -35-36) : « La conception computationnelle est un outil formidable pour les structures complexes. […Mais ce n’est] pas pour les âmes sensibles. Les outils sont plutôt inaccessibles (avec des courbes d’apprentissage importantes) et ils nécessitent généralement une double connaissance de la conception pour les exigences et l’esthétique en même temps. »
Selon Simpson, le problème réside dans le fait que la confiance dans les résultats de l’analyse reste un défi pour de nombreuses entreprises. Par exemple, il est très facile de générer des structures en treillis complexes avec certains des nouveaux outils logiciels, mais l’analyse des treillis avec une précision suffisante pour comprendre comment ils peuvent échouer dans la pratique augmente l’incertitude et donc le risque, ce qui peut souvent faire dérailler un projet. De même, les différences entre la pièce imprimée et la pièce conçue peuvent être source d’incertitude et accroître encore la perception du risque en matière de FA. Enfin, un manque de compréhension et de prise de conscience de ce dont la FA est aujourd’hui capable peut entraîner une résistance à l’utilisation de la FA et de tout outil de conception computationnelle.
Enfin, toute technique de conception alimentée par l’IA soulèvera un certain nombre de questions à ce jour. Alors que nous assistons de plus en plus à l’apparition d’un certain nombre de solutions basées sur l’IA, on peut dire que nous passons progressivement de l’ère de la conception pour la FA à celle de la conception pour l’IA. Alors que la plupart des concepteurs tentent encore d’évaluer les avantages et les inconvénients de ces techniques, la réalité actuelle montre que l’IA peut aider à concevoir une pièce imprimée 3D plus rapidement et mieux qu’un concepteur humain. Et pour le professeur Simpson, « la vraie victoire sera de combiner les deux dans des approches hybrides qui tirent parti de ce que les humains font bien et de ce que l’IA et les algorithmes de conception computationnelle peuvent faire correctement ».
Ce dossier a été initialement publié dans le numéro de Mai/Juin de 3D ADEPT Mag.