Cet article est la deuxième partie d’une série consacrée à l’évolution du paysage de l’investissement dans le secteur de la FA. La première partie traite de ce que les fondateurs – qui sont à la recherche de fonds – devraient prendre en compte pour développer leur entreprise de FA.
Beaucoup d’entre vous connaissent probablement Christina Perla, en tant que Co-fondatrice et CEO du bureau de services d’impression 3D Makelab, basé à Brooklyn, ou par so
n travail avec Women In 3D Printing. J’ai eu la chance de découvrir le courage dont elle fait preuve dans la gestion d’une entreprise de fabrication additive tout en naviguant dans un labyrinthe d’incertitudes, et c’est l’une de ces expériences authentiques qui marquent la vie de tout rédacteur.
Si vous êtes un fondateur ou un cadre dirigeant une entreprise, vous savez probablement déjà que « lever des fonds sera difficile à réaliser ». Les investisseurs et les financiers l’ont répété à plusieurs reprises, y compris dans cette édition de 3D ADEPT Mag. Alors que la presse spécialisée a contribué à mettre sur un piédestal les entreprises qui obtiennent continuellement des tours de financement auprès d’investisseurs et d’autres sociétés financières, la majorité des entrepreneurs (75 % à 85 %) démarrent leur entreprise par leurs propres moyens – ce qui peut être difficile à croire car aucun chiffre exact n’a encore été communiqué dans notre industrie. Cependant, il s’avère que je connais quelques entreprises de FA qui ont recours à l’autofinancement pour développer leur activité et Makelab est l’une d’entre elles.
La vérité est que, ma modeste expérience dans cette industrie m’a amenée à interagir avec les fondateurs de start-up, at a développé une sorte d’admiration pour eux – pour ceux qui ont dû mal à passer le cap et pour ceux qui prospèrent – parce qu’en fin de compte, il faut beaucoup de courage pour poursuivre cette voie.
Avec l’évolution du paysage complexe de l’investissement, je pense que cette conversation est plus importante que jamais, car elle permet d’une certaine façon de rétablir un équilibre entre les deux parties – ceux qui choisissent la voie de l’autofinancement (ou boostrapping) et ceux qui choisissent la voie du capital-risque. Cette conversation vise aussi à donner à ceux du premier groupe quelques options qu’ils devraient continuer à explorer dans leur aventure.
Perla et la mentalité de « croissance à tout prix ».
Pour la petite hsitoire, Makelab a vu le jour en 2017 et, depuis lors, ne cesse d’investir des kilomètres supplémentaires pour soutenir les entreprises de tous les secteurs verticaux qui pourraient bénéficier de la DA. Selon Perla, l’entreprise est née par accident au moment où deux designers industriels pensaient créer une société de design. L’intention de Makelab était de créer une entreprise riche en liquidités qui pourrait financer la croissance de la société de conception.
« Après deux ou trois ans, Makelab a triplé son chiffre d’affaires. Nous avons trouvé un problème réel sur le marché que personne ne semblait vraiment résoudre, et mon cofondateur et moi-même avons vraiment apprécié de créer une entreprise et de simplifier une opération complexe. Nous avons constaté que la plupart des acteurs du secteur s’efforçaient de faire progresser la FA, en se concentrant sur les métaux et les nouveaux cas d’utilisation. Manny et moi comprenons cela, nous le soutenons même. Mais en tant que designers industriels, on avait l’impression que personne ne construisait vraiment une solution pour les designers comme nous, pour ceux qui travaillent dans le secteur des produits de consommation. Tout ce qui existait semblait manquer la cible, d’après nos clients », déclare-t-elle d’emblée.
La réalité est que l’entreprise a évolué dans un secteur où les titres des journaux avaient en quelque sorte défini la « croissance » comme un facteur important pour être financé, pour donner de la crédibilité à un produit qui n’était pas toujours ou nécessairement viable. Même si elle est convaincue qu’il faut rester centré sur le client pour ne jamais perdre de vue la véritable activité, Perla reconnaît qu’il existe de nombreuses startups/entreprises qui ont une mentalité de « croissance à tout prix » et qui n’ont pas encore trouvé l’adéquation produit-marché :
« Ces entreprises ciblent tout le monde, et ce faisant, elles ne ciblent personne. Je pense que la pression exercée par cet état d’esprit peut être préjudiciable si elle est exercée trop tôt. Lorsqu’on cherche une solution à un problème, il faut d’abord le trouver. Parfois, cela prend plus de temps que le calendrier que les VCs et autres fondateurs donnent. Mais si vous voulez construire une solution/produit qui dure, il est bon de penser sa stratégie pendant un certain temps. »
En vous concentrant sur vos véritables objectifs, ces derniers vous permettront de valider vos produits au fur et à mesure de votre croissance, et l’argent du capital-risque ne sera qu’« un outil pour vous aider à atteindre votre objectif plus rapidement. Ce n’est pas l’objectif final, et si c’est le cas, je remettrai en question le fondateur + l’entreprise », ajoute-t-elle.
Alors, comment fait-on pour se développer en s’autofinançant ?
Que son entreprise soit florissante ou non, le fondateur devra toujours payer ses factures, assurer des flux de trésorerie sains à l’avenir et, aussi alarmant que cela puisse paraître, les sources de capitaux peuvent se tarir du jour au lendemain, sans avertissement. Le bootstrapping apparaît alors comme une arme à double tranchant : d’un côté, vous ne dépendez pas des investisseurs et vous avez beaucoup de temps pour renforcer les fondations de votre entreprise, de l’autre, relever les défis et les situations impromptues qui peuvent nécessiter (beaucoup) de liquidités, peut être frustrant, prendre du temps et ralentir le processus de construction de la voie du succès.
J’étais curieuse de savoir comment Makelab a réussi à se développer sans lever de fonds. Ont-ils décidé de ne pas lever de fonds ou n’en ont-ils pas eu l’occasion ? Et surtout, comment ont-ils surmonté les périodes les plus difficiles de la crise financière ? L’honnêteté de ses réponses s’accompagne de quelques leçons qu’elle a tirées de cette période :
« Ce n’était même pas sur notre radar avant 2020. Ce n’est que lorsque nous avons triplé notre activité que nous l’avons envisagé. La croissance est difficile lorsqu’on est autonome. C’est un jeu de gestion de trésorerie et de timing.
Au troisième trimestre de 2020, nous avons essayé de lever des fonds. Nous avons échoué la première fois. Nous avons recommencé au troisième trimestre 2021 et avons réussi. Mais il s’avère que le fonds n’avait pas de capital à déployer. En 2022, nous avons décidé de minimiser nos efforts (tout en gardant la porte entrouverte avec des relations réchauffées) et de nous concentrer sur la croissance de nos revenus et de nos clients.
D’une certaine manière, on ne nous en a même pas donné l’occasion. Notre activité est difficile, lorsque vous nous comparez aux modèles de logiciels SaaS, la concurrence est rude. Les sociétés SaaS gagnent. En fin de compte, consacrer plus de 8 heures par jour à la collecte de fonds alors que nous n’avions que peu de succès, ne nous semblait pas être la bonne décision pour nous à ce moment-là.
Le bootstrapping n’est pas pour les âmes sensibles. C’est dur, très dur. Beaucoup de fondateurs financés parlent de la piste et de l’argent en banque qui diminue. Eh bien, dans le bootstrapping, vous ferez l’expérience de beaucoup de ces choses à plus petite échelle. La bonne chose est – si vous gagnez avec vos clients, vous avez des revenus. Si vous avez des revenus, il est plus facile de surmonter ces tempêtes de liquidités.
La plupart des principes et des tactiques de gestion de la trésorerie que j’ai appliqués pendant mon autofinancement devraient vraiment être appliqués à tous. Mais les enjeux sont différents. Avec le bootstrapping, il n’y a pas de bateau qui vient vous sauver. Aucune chance d’avoir un bateau. Il n’y a que vous. Plus vous serez prévoyant quant à l’argent qui entre et sort de votre compte bancaire, plus ce sera facile. Vous devez tout savoir, jusqu’aux dates et aux montants. A combien estimez-vous que votre compte bancaire sera dans 2 jours, 4 jours, 4 semaines, 4 mois ? »
Quels sont les conseils que les fondateurs qui choisissent l’autofinancement doivent garder à l’esprit ?
Soyons clairs : si vous n’avez pas les moyens de financer ne serait-ce qu’une version réduite et régulière de votre entreprise/projet, alors cet article n’est pas pour vous. Vous devriez peut-être explorer d’autres alternatives financières. Toutefois, si vous décidez que le bootstrapping est le meilleur choix pour votre situation, quelques stratégies peuvent vous mettre sur la voie de la réussite :
- Choisissez judicieusement les membres de votre équipe. « Aucune entreprise, petite ou grande, ne peut gagner sur le long terme sans des employés énergiques qui croient en la mission et comprennent comment l’accomplir. »
- Soyez prêt à assumer de nombreux rôles, y compris ceux qui vous semblent subalternes.
- Veillez à externaliser ce qui est essentiel (par exemple, les services juridiques et comptables).
À ces conseils, Perla ajoute :
- « La hiérarchisation des priorités est essentielle. Vous ne pouvez pas vous attarder sur quelque chose qui 1) n’est pas encore arrivé, 2) est hors de votre contrôle. Cela ne fera que vous empêcher de voir les solutions potentielles.
- Soyez créatif. C’est là que le fait d’être new-yorkais est vraiment utile. Soyez créatif et sortez des sentiers battus. S’il existe des opportunités de capital non dilutif – subventions, micro-prêts, etc. – saisissez-les. Faites-en la demande et apprenez à les rechercher.
- Ne vous laissez pas aller à des dépenses inconsidérées. Sachez où va votre argent. Protégez-le au péril de votre vie. Faites attention à la façon dont vous dépensez, vous n’avez pas le même luxe que vos amis financés. Trouvez des crédits, des offres et des moyens d’obtenir des mois gratuits sur des produits logiciels. Toutes ces choses s’additionnent et peuvent être d’une grande aide. »
Tout comme chaque application réalisée par FA est unique en son genre, gardez à l’esprit qu’il n’existe pas de formule de financement standard pour les start-up. Pour aller de l’avant, et en parlant de Makelab, les déclarations de Perla ici ne signifient pas que le capital-risque ou d’autres instruments d’investissement sont complètement hors de question. « Mais pour l’instant, nous choisissons de nous concentrer sur nos clients et notre activité », conclut-elle.
Enfin, quel que soit le degré de complexité du voyage, je pense que définir votre mesure de la réussite vous aidera à apprécier chaque étape du voyage à sa juste valeur.
Cet article a été initialement publié dans le numéro de Janvier/Février de 3D ADEPT Mag.