Dans ce qui est devenu une tradition annuelle pour le monde de la fabrication additive (FA), Mesago, l’organisateur de Formnext, a accueilli cette année 864 exposants (dont 61% étaient internationaux), et 34 404 visiteurs (dont 48% étaient internationaux) dans la capitale financière de l’Allemagne, du 19 au 22 novembre 2024. Ces chiffres montrent une légère augmentation par rapport au même événement l’année dernière

Pour la première fois depuis de nombreuses années, je me suis rendue à Francfort sans programme strict. Beaucoup avaient mis en avant le caractère fortuit des rencontres comme l’une des principales forces de Formnext, et je voulais expérimenter par moi même à quel point cela était vrai. 

Même si ce n’était pas visible à la vue des stands, la plupart de mes conversations ont mis en lumière la récession économique que les entreprises de FA doivent surmonter – même de la part de personnes auxquelles je ne m’attendais pas. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser que tout spécialiste du marketing expérimenté dirait que plus une entreprise est en difficulté, plus elle devrait investir dans le marketing. 

Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas à moi de témoigner de la véracité de cette affirmation. Mes yeux ont été attirés par un certain nombre de stratégies de fabrication qu’il m’a semblé intéressant d’explorer, les applications et les nouveaux venus, l’accent mis de plus en plus sur la fabrication à grande échelle et la présence croissante d’entreprises asiatiques. 

Des stratégies de fabrication qui valent la peine d’être soulignées 

Avec plus de 800 entreprises, il est facile de se laisser piéger par la vague de lancements de produits généralement mis en avant sur les différents stands. Dans le but de faire les choses différemment, ou disons, de voir des résultats différents obtenus avec des processus existants, nous avons repéré différentes stratégies de fabrication qui soulignent l’importance de la combinaison de deux techniques de fabrication ; nous avons également repéré différentes solutions pour augmenter la productivité et tout simplement de nouvelles solutions qui pourraient améliorer la production de pièces

Combinaison de deux techniques de fabrication : FA + procédés de fabrication traditionnels

Dans le large éventail de processus qui pourraient être combinés, il est facile de voir la combinaison de la fabrication additive métal et l’usinage CNC. Lors du salon Formnext, l’entreprise de produits chimiques spécialisés Altana a attiré mon attention sur les applications qu’on peut obtenir en combinant la fabrication additive et le moulage par injection. Depuis sa scission avec dp polar, Altana se concentre sur le développement de matériaux en résine de haute performance adaptés aux technologies d’impression 3D DLP, LCD et SLA. Lors du salon Formnext, la société a démontré qu’il était possible de réduire les coûts d’outillage en présentant une prise de courant fabriquée par moulage par injection et par FA.

Anne Asmacher, chef de projet au sein de l’équipe de FA, explique que la partie extérieure (le cadre) de la prise de courant a été moulée par injection car il s’agit d’un modèle standard produit par moulage par injection. La partie centrale, le porte-carte ou l’interrupteur peuvent être conçus sur mesure – et peuvent donc être fabriqués par FA avant l’assemblage final. Dans ce cas, la partie centrale a été fabriquée par FA avec le matériau haute performance 4-6700 VP d’Altana. Idéal pour la production de pièces finales, ce matériau offre un bon équilibre entre ténacité et résistance aux chocs.

Prise sur le stand d’Altana. Crédit: 3D ADEPT Media

Un autre point fort du stand était l’utilisation de l’impression 3D indirecte pour combler le fossé entre les petites séries et les applications à grand volume. L’image ci-dessous en est un bon exemple. Le moule a été produit par le fournisseur de services de FA rpm – fabrication rapide de produits à l’aide du matériau 3000 VP d’Altana. Le matériau moulé résistant à l’eau fait partie de la série des One-Shot-Molds (OSM) destinés à être utilisés dans les applications de moulage par injection. L’affinité accrue avec l’eau facilite le démoulage dans l’eau ou les environnements aqueux. En outre, elle minimise le gonflement indésirable, ce qui permet d’éviter la déformation ou la fissuration de la pièce finale.

Ces moules imprimés en 3D ont ensuite été utilisés pour la production des pièces de connecteur de Harting. Idéal pour les moyennes et grandes séries, ce type de processus de fabrication permet une plus grande flexibilité dans les conceptions techniques.

Moule produit en collaboration avec Harting – Credit: 3D ADEPT Media

Combinaison de deux techniques de FA

Lorsqu’on parle de combiner deux procédés de fabrication, la première idée qui vient à l’esprit est la combinaison de la FA et d’un procédé de fabrication conventionnel. Graham Matheson, chef de projet R&D chez Oerlikon, a éveillé mon intérêt pour le projet Disco 2030. Ce projet implique 9 partenaires, dont Oerlikon, et vise à combiner les avantages du procédé “powder bed fusion” (PBF) et du procédé “Direct Energy Deposition” (DED) pour permettre la fabrication de composants légers multi-matériaux à géométrie complexe, capables de fonctionner dans des environnements difficiles. Sur le stand d’Oerlikon à Formnext, on pouvait voir une section de la chambre de combustion dont les pièces ont été imprimées séparément avec DED et LPBF avant d’être assemblées.

Partie d’une chambre à combustion fabriquée dans le cadre du projet DISCO2030. Crédit: 3D ADEPT Media

Selon Matheson, ce type de fabrication consiste à appliquer le DED sur des pièces en cuivre sur lit de poudre. Elle répond à un problème rencontré par les techniques d’assemblage multi-matériaux telles que le brasage, le soudage à l’état solide ou l’assemblage mécanique. Avec ces techniques, les concepteurs industriels doivent d’abord usiner les pièces (composées de différents matériaux), avant de les assembler avec la technique idéale dans un deuxième temps. Le problème de cette méthode est qu’elle peut nuire à la liberté de conception des dispositifs multimatériaux et créer des « espaces morts » dans les zones où deux matériaux différents sont assemblés, ce qui a un impact négatif sur le poids de la pièce. En outre, elle ne permet pas aux matériaux « gradués » de donner le meilleur d’eux-mêmes. En combinant les procédés DED et PBF, l’équipe de recherche peut obtenir des propriétés de matériaux optimisées localement, capables de remplir des fonctions spécifiques. Il reste encore un long chemin à parcourir avant que le projet DISCO2030 ne devienne une norme de fabrication en Europe, mais quand il le sera, il remplacera probablement les méthodes traditionnelles telles que le moulage sous pression et l’assemblage mécanique de pièces multiples. 

Accroître la productivité grâce à la FA 

Tout directeur de production vous dira que tout temps consacré à des activités autres que la fabrication de composants est considéré comme un temps d’attente improductif. Au fil des ans, les équipementiers ont mis au point des solutions susceptibles d’améliorer la productivité à l’intérieur et à l’extérieur de la chambre de fabrication. Ces solutions sont rendues possibles par l’automatisation des processus de fabrication des lits de poudre

Le fabricant de machines pro-beam GmbH a montré à Formnext comment il pouvait augmenter la productivité avec jusqu’à trois unités de fabrication, permettant ainsi aux utilisateurs industriels d’assurer une production 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 dans leurs installations. Cette solution profitera aux constructeurs automobiles et aux industries qui cherchent à produire des pièces en série grâce à la FA. 

Améliorer la production de pièces grâce à une nouvelle technologie de post-traitement 

Parmi les différents outils qui peuvent être utilisés pour améliorer la production de pièces, j’ai toujours trouvé les technologies de post-traitement plus tangibles, car il est facile d’évaluer leurs capacités. Au salon Formnext, SUGINO, un nouveau venu japonais sur le marché de la FA, présente sa solution CASF (Cavitation Abrasive Surface Finishing), qui permet d’éliminer les couches anormales de la surface des objets, de lisser la surface et d’appliquer une contrainte de compression due à l’effet de cavitation en injectant de l’eau à haute pression dans un réservoir rempli d’une suspension abrasive. 

Akiteru Tsuiji, directeur général de la filiale allemande, a déclaré à 3D ADEPT Media que les couches anormales telles que la mauvaise fusion et les cavités qui se produisent à partir de la couche superficielle jusqu’à une profondeur de 200 um peuvent être éliminées en même temps que le traitement de lissage de la surface et la contrainte de compression. Il en résulte une augmentation de la résistance à la fatigue et une meilleure durée de vie de la pièce finale. 

Credit: SUGINO

Nouveaux venus et applications 

Compte tenu du large éventail de solutions qui apparaissent en permanence sur le marché, nous nous sommes fixé pour règle de mettre en lumière les nouveaux venus qui font leurs premiers pas dans notre industrie. Outre SUGINO, nous avons également découvert UNIWAY, un fabricant turc d’imprimantes 3D à résine qui a fait ses débuts à Formnext. Mustafa DULGER, directeur général d’Uniway, explique que son imprimante 3D à base de cire permet d’augmenter de 30 % le rendement d’un travail d’impression.

Autre découverte rare du salon, Carboganic, une startup belge qui développe différentes solutions pour le procédé FGF et filaments d’impression 3D à base de biocarbone dans diverses formulations de polymères (PET, PP, ABS, PLA,…). Ces matériaux sont utilisés dans différents domaines, tels que les applications orthopédiques, l’automobile, le yachting, la construction, l’ameublement, etc. Pour démontrer les capacités de ses solutions, l’entreprise a présenté au cours du salon un moule pour une voiture de course électrique et des coques de sièges pour fauteuils roulants

Dans un autre registre, des applications variées ont permis de démontrer l’expertise et les solutions des entreprises. S’il est souvent compliqué de faire la lumière sur les applications liées à l’industrie de la défense, force est de constater que de plus en plus d’entreprises sont au service de ce secteur. 

Credit: 3D ADEPT Media

Cela dit, de la technologie médicale et dentaire aux industries de l’emballage, de l’automobile et de l’ingénierie mécanique, de l’architecture à l’aérospatiale et à bien d’autres secteurs : la large applicabilité de la fabrication additive dans de nombreuses industries a été démontrée de manière frappante par un programme à multiples facettes et diverses activités.

Le bon et le mauvais de la montée en puissance des entreprises asiatiques  

Même si l’Australie a été le pays partenaire de cette édition de Formnext, il convient de noter qu’un nombre croissant d’entreprises asiatiques ont participé au salon. En effet, parmi les 864 exposants de Formnext, 145 venaient d’Asie, dont 101 de Chine. Ces chiffres nous incitent à examiner de plus près les différentes expertises propres à chaque région. Nous consacrerons davantage de contenus à cette analyse au cours de l’année à venir, mais nous pouvons d’ores et déjà dire que les développements en matière d’impression 3D métal sortent du lot. 

Mis à part le raid de VoxelDance qui a eu lieu le troisième jour du salon et qui a mis l’accent sur le stéréotype d’imitation lié aux entreprises chinoises, il faut accorder à d’autres équipementiers le crédit qu’ils méritent, car ils font un effort supplémentaire pour se démarquer de la foule.

Imaginez une entreprise qui voudrait utiliser l’impression 3D à des fins de prototypage… Quand je vois la qualité des impressions produites par des imprimantes 3D FDM comme celles de Bambu Lab, je ne vois pas l’intérêt d’investir dans une imprimante 3D FDM qui coûte environ ou plus de 10 000 €. À ce jour, les fabricants asiatiques d’imprimantes 3D FDM prennent progressivement les plus grosses parts de marché dans ce domaine. 

Pièce imprimée 3D sur le stand de Bambu Lab à Formnext 2024. Image : 3D ADEPT Media

Par ailleurs, un rapide aperçu des profils des entreprises asiatiques exposant à Formnext révèle que la plupart d’entre elles sont spécialisées dans le développement de machines et de matériaux industriels. SeeAnn Solution et Aspect, Inc.  étant les seules entreprises du continent à fournir des solutions logicielles, nous sommes tentés de penser que le développement de solutions logicielles n’est pas la plus grande force des entreprises asiatiques.

Il faut de tout pour faire un monde, alors je suppose que s’il n’y a pas assez de fournisseurs de logiciels sur le continent, il y a toujours d’autres solutions ailleurs qui pourraient aider à répondre aux besoins des utilisateurs de la FA dans la région.

Et maintenant ?

Les innovations de Formnext m’ont souvent fait quitter la capitale financière avec des idées et l’espoir d’un monde meilleur. Je dois admettre que j’ai quitté cette édition 2024 de l’événement avec des sentiments mitigés. Si la qualité des exposants et des innovations présentées continue de témoigner du potentiel de la technologie, les nouvelles de l’arrêt de la production de filaments de KIMYA et du dépôt de bilan de Forward AM – toutes rendues publiques pendant Formnext – mettent en lumière une incertitude croissante au sein de notre industrie. 

Il est encore trop tôt pour obtenir un retour précis de la part de toutes les entreprises de FA sur le sujet. Toutefois, une chose est sûre : tout ce qui peut contribuer à accroître la confiance continuera à faire progresser ce secteur, lentement mais sûrement. 

Restez connectés et consultez cette page pour en savoir plus sur les sociétés de FA  présentes à Formnext et sur tous les lancements de produits que vous n’auriez pas dû manquer sur le salon.