Regard sur les matériaux d’impression 3D médicale ainsi que les prochaines étapes de développement de matériaux
Avez-vous déjà réalisé que la première chose que les utilisateurs finaux perçoivent en voyant et en touchant une pièce imprimée en 3D est le matériau avec lequel elle a été produite ? Le problème est qu’on accorde beaucoup de crédit aux machines de fabrication additive, mais que le véritable succès d’une application dépend généralement d’un élément sous-estimé : le matériau. Alors que nous naviguons à travers l’ensemble des ingrédients indispensables à une production de FA, nous avons décidé d’explorer le domaine des possibilités offertes par les matériaux. Quelle meilleure façon de le faire qu’en ayant un producteur de matériaux à nos côtés ?
Contrairement à la plupart des entreprises qui ont annoncé leur engagement dans l’industrie de la fabrication additive par des actions marketing fracassantes, Evonik a d’abord acquis de l’expérience et de l’expertise dans son domaine d’activité et a attendu d’avoir la certitude et la capacité d’apporter une réelle valeur ajoutée avant de sortir du mode furtif.
Bien qu’elle soit surtout connue pour les matériaux qu’elle produit, l’entreprise allemande de chimie de spécialité cotée en bourse fournit également des additifs ainsi que des services d’assurance qualité. L’année dernière, l’entreprise a marqué une étape importante dans son parcours en décidant de donner une nouvelle orientation à ses matériaux de FA, les regroupant ainsi sous la marque INFINAM®.
Lorsqu’on lui demande si ce nom a une signification particulière, Sylvia Monsheimer, responsable de la fabrication additive et des nouvelles technologies 3D chez Evonik, déclare :
« Notre nouvelle marque INFINAM® est synonyme de matériaux à base de polymères – poudres, résines et filaments – qui permettent des applications 3D infinies. Le nom de la marque lui-même vient de INFINity + Additive Manufacturing et s’aligne sur notre approche unique de communication avec le marché, que nous appelons d’ailleurs #InfinityMeetsReality. En d’autres termes, en lançant INFINAM®, nous stimulons la chimie des polymères et des additifs de haute performance pour en faire des matériaux prêts à l’emploi pour des applications 3D infinies. »
Comme vous pouvez le constater, un coup d’œil sur les activités d’un producteur de matériaux comme Evonik révèle qu’il y a tellement de choses à dire qu’il faudra plus d’un article pour couvrir chaque aspect lié à l’activité des matériaux.
Conscients de tout cela, nous avons fait le choix délibéré d’aborder dans cet article, l’approche d’Evonik pour développer des matériaux d’impression 3D médicale ainsi que les prochaines étapes en termes de développement de matériaux sur lesquelles la société prévoit de se concentrer.
Le prisme des matériaux d’impression 3D pour les applications médicales : le cas des polymères
Les développements en matière d’impression 3D médicale ne cessent de progresser. Les applications actuelles et prévues peuvent être divisées en plusieurs catégories :
- La fabrication de tissus et d’organes ;
- Prothèses, implants et modèles anatomiques sur mesure ;
- ainsi que la recherche pharmaceutique, un domaine qui traite du développement de formes de dosage, de l’administration et de la découverte de médicaments.
Il est intéressant de noter que ces applications sont souvent rendues possibles par une liste non exhaustive de matériaux, qui peuvent inclure des alliages de titane, du cobalt-chrome (alliage cobalt-chrome-molybdène) et des polymères, pour n’en citer que quelques-uns. Dans une industrie aussi vitale que le secteur médical, la plupart des matériaux sont souvent soumis à des certifications et à des réglementations avant d’être utilisés sur un patient.
En fait, le terme « biomatériau » a été inventé pour désigner le type de substance qui peut être introduit dans le corps dans le cadre d’un dispositif médical implanté ou utilisé pour remplacer un organe, une fonction d’un membre, etc.
Dans cette optique, pour éviter toute confusion et pour faire cette distinction très nécessaire entre les produits de FA dédiés à l’industrie médicale et les produits de FA dédiés à d’autres industries, les entreprises développent des marques dédiées pour répondre aux besoins de ce marché. Chez Evonik, il était également crucial de faire cette distinction :
« Evonik propose le portefeuille le plus étendu dans le secteur des matériaux biomédicaux imprimables en 3D pour la technologie médicale. Pour les implants en plastique, le portefeuille comprend, outre le filament VESTAKEEP® i4 3DF PEEK pour un contact corporel permanent, la gamme de produits RESOMER® avec des filaments, des poudres et des granulés biorésorbables.«
« Ces matériaux spéciaux sont soumis à des spécifications standard strictes pour les polymères dans les applications médicales qui s’appliquent aux marques respectives mentionnées ci-dessus. Pour cette raison, ces produits ont été exclus du transfert vers la famille de produits INFINAM® et continueront à être commercialisés sous les marques VESTAKEEP® et RESOMER® », explique Marc Knebel, responsable du secteur médical chez Evonik.
Néanmoins, un rapport de l’Office européen des brevets révèle qu’entre 2010 et 2018 et malgré la large gamme de matériaux qui existe, un grand nombre de demandes de brevets ont été déposées pour l’impression 3D avec des polymères par rapport aux autres groupes de matériaux réunis. Cela souligne un intérêt croissant pour l’utilisation des polymères dans les applications médicales. Outre la biocompatibilité de certains polymères, il faut noter que ces matériaux offrent un large éventail de possibilités en termes de compositions. Il est également possible de modifier leur structure et leur surface en fonction des exigences sollicitées par des applications spécifiques, notamment par l’ajout d’additifs pour améliorer les propriétés de base des matières plastiques, comme par exemple des composés antimicrobiens.
Cela dit, pour les chercheurs, la chimie de surface, les propriétés mécaniques et la topographie des polymères fonctionnels seraient trois paramètres clés favorisant leur utilisation efficace dans la technologie de FA. Toutefois, comme les polymères sont disponibles sous différentes formes, Knebel conseille aux professionnels de la santé de garder à l’esprit l’objectif final des applications afin de choisir celui qui convient le mieux à une production :
« Le facteur le plus important est la bonne adéquation entre le matériau et la technologie de traitement qui garantit la sécurité et l’efficacité de la production de dispositifs médicaux imprimés en 3D. Les poudres et les filaments sont déjà utilisés avec succès pour ces applications. Les poudres INFINAM® PA12 sont utilisées pour les dispositifs à contact corporel de courte durée. Le filament VESTAKEEP® PEEK est disponible pour les implants corporels à long terme, car le procédé FFF est la technologie de pointe pour produire des pièces de haute qualité dans un processus sûr avec ce matériau. En ce qui concerne les filaments, un autre avantage est le fait que les imprimantes FFF/FDM sont généralement plus petites, ce qui peut favoriser l’utilisation directe dans un environnement hospitalier, avec la possibilité de produire des implants au point de service. Dans tous les cas, la liberté de conception et la qualité sont des facteurs déterminants par rapport aux coûts. »
Comme vous l’avez peut-être deviné, la FDM reste l’une des technologies de FA les plus couramment utilisées dans les applications d’impression 3D médicales. Les autres technologies comprennent, sans s’y limiter, la bio-impression par extrusion, le frittage de matériaux, l’impression par jet d’encre ou de liant, l’impression par polyjet ou même la fabrication d’objets laminés.
Malgré cette compatibilité des technologies de FA avec les applications médicales, ce segment de niche souffre toujours d’un manque de diversité dans les biomatériaux appropriés, ce qui se traduit par un faible nombre d’applications dans le domaine. Les biomatériaux d’impression 3D actuels sont principalement utilisés pour l’administration de médicaments ou pour des implantations de remplissage d’espace.
Selon le responsable du secteur médical d’Evonik, la principale raison qui explique cette lenteur d’adoption pourrait résider dans le fait que le processus de qualification d’un matériau prend beaucoup de temps et dépend des autorités réglementaires, mais aussi du travail des fabricants de dispositifs médicaux.
« Tout nouveau matériau et toute nouvelle technologie doivent passer par un processus de validation et d’approbation minutieux, étape par étape, qui prend du temps. Evonik propose déjà une large gamme de biomatériaux de ses marques VESTAKEEP® PEEK et RESOMER® avec la qualité requise et avec la documentation nécessaire. La validation et la qualification des imprimantes et des processus d’impression progressent rapidement. En outre, nous constatons un grand intérêt de la part des fabricants de dispositifs médicaux du monde entier. Ainsi, dès 2021, nous sommes convaincus que les biomatériaux seront utilisés dans de nombreuses applications différentes », conclut-il.
Situation actuelle et future du développement des matériaux chez Evonik
Outre sa poudre biorésorbable et son filament PEEK de qualité implantaire pour les applications médicales, les activités de FA 2020 d’Evonik ont également été marquées par une poudre de spécialité flexible haute performance cobrandée, basée sur un élastomère thermoplastique (TPA), et par l’ouverture d’un nouveau centre d’impression 3D aux États-Unis. En plus de cela, le producteur de matériaux a achevé la construction de sa première usine dédiée au nouveau polyamide 12.
Monsheimer souligne que les propriétés exceptionnelles du polyamide 12 en font un matériau idéal pour les applications qui requièrent « une grande stabilité associée à une grande flexibilité » et « une résistance aux températures élevées et un faible poids ». Compte tenu de sa large gamme d’applications dans les secteurs de l’automobile, du pétrole et du gaz et même des dispositifs médicaux, « le marché du polyamide 12 affiche des taux de croissance annuels supérieurs à 5 % dans le monde entier, ce qui dépasse largement le produit intérieur brut mondial ». Parlant de l’industrie de la FA en particulier, l’expert en matériaux a annoncé que ses taux de croissance atteignent même deux chiffres.
« Nous prévoyons d’élargir notre portefeuille de polyamides mais aussi de polymères non polyamides en développant des matériaux aux propriétés améliorées pour ouvrir de nouvelles applications infinies. Notre nouveau centre d’impression 3D à Austin, au Texas, peut d’une part fournir un support d’application aux clients et d’autre part notre nouveau site se concentre sur le développement de matériaux fabriqués par la technologie des polymères structurés qui complète nos méthodes éprouvées de production de poudres à côté des polymères précipités », annonce-t-elle.
Quelle que soit la direction prise par Evonik, la société reste guidée par les besoins du marché. Pour ce faire, l’entreprise garde à l’esprit son objectif premier qui est de développer des matériaux de haute performance « prêts à l’emploi » pouvant répondre aux exigences de diverses lignes technologiques. Un objectif qui passe nécessairement par une collaboration approfondie avec les fabricants d’imprimantes 3D comme nous l’avons vu avec HP et aujourd’hui avec Evolve Additive Solutions pour la technologie STEP – un procédé qui nécessiterait un matériau en poudre dédié -.
Dans cette veine, d’autres développements que nous pourrions attendre de l’entreprise incluent « une nouvelle ligne de produits de résines photopolymères avec une combinaison unique de propriétés matérielles » qui comblera » le vide des photopolymères actuellement disponibles dans le commerce pour la polymérisation VAT. »
Enfin, au cœur de ces activités, se trouve également l’ambition de contribuer à une industrie plus durable, mais la bataille est encore plus difficile pour un producteur de matériaux étant donné la nature de son activité. C’est pourquoi la durabilité est poursuivie de diverses manières, au sein du groupe de fabrication additive de la société :
« D’une part, nous améliorons constamment nos propres processus de production pour les rendre aussi efficaces et sûrs que possible. D’autre part, nous mettons notre force d’innovation au service du développement, par exemple, de nouveaux matériaux en poudre pour augmenter leur taux de réutilisation au cours d’un processus d’impression 3D. En fait, certaines de nos poudres INFINAM® PA12 peuvent déjà être réutilisées en ne remplaçant que la poudre nécessaire pour les pièces du travail précédent », souligne Monsheimer. Pour nous, c’est le signe que la durabilité n’est pas seulement un sujet dont ils parlent, mais une vision qu’ils mettent en œuvre.
Ce dossier exclusive a initialement été publié dans le numéro de Mars/Avril 2021 de 3D ADEPT Mag.