Dans un domaine où l’innovation sauve des vies, la fabrication additive se positionne aujourd’hui comme un atout majeur pour les professionnels de la santé. Bien qu’elle ait encore quelques années devant elle avant de valider son adoption de masse, les premiers résultats ayant permis de créer des tissus, des os ou, dans un autre registre, des prothèses sur mesure, sont suffisants pour appréhender l’énorme potentiel pour le public.
A ce jour les principaux domaines d’application qui tirent le meilleur de cette technologie sont : la dentisterie, l’orthopédie, la formation médicale, la recherche médicale, la préparation d’interventions chirurgicales, le prototypage d’outils et équipements médicaux à destination des chirurgiens, et la conception de matériel médical sur-mesure.
Ce dossier vise à analyser l’apport de la technologie de fabrication additive dans le secteur médical. Il s’agira d’observer l’intégration de cette technologie dans divers domaines d’application de ce secteur, ses avantages, mais aussi ses limites ou points à améliorer.
Il est important de noter qu’afin de répondre à cette question, quelques professionnels du secteur ont partagé leur point de vue sur le sujet, ainsi que leur expérience dans l’utilisation de cette technologie : Il s’agit notamment du Dr. Simon Weidert, spécialiste en traumatologie orthopédique, Daniel Crawford CEO d’axial3D et Alexandre Baelde, responsable du programme 3D Print chez Medicrea.
Soins personnalisés et prothèses sur mesure
La chirurgie est actuellement le principal domaine d’application de l’impression 3D en santé. Ce procédé de fabrication permet de créer des prothèses personnalisées parfaitement adaptées à chaque patient ou encore des implants dans des matériaux biocompatibles mais durables (titane, plastique).
Là où, jusqu’à présent, le « sur-mesure » consistait à modeler à la main une prothèse, l’imagerie médicale en 3D associée à une imprimante 3D permet de créer une réplique exacte de l’os à remplacer. C’est principalement l’utilisation d’un scanner 3D qui permet de détailler numériquement le besoin du patient, permettant ainsi de créer une prothèse parfaitement adaptée à sa morphologie.
Ce procédé a un impact aussi bien sur le coût de production de la prothèse que sur le temps de création.
Le point de vue d’Alexandre Baelde, Responsable du programme 3D Print chez Medicrea
Medicrea est une société française spécialisée dans la conception et la production de dispositifs médicaux pour la chirurgie du rachis (la colonne vertébrale). C’est en fin de 2014 que la société a intégré la technologie d’impression 3D avec pour objectif de produire des implants sur mesure. Avec la fabrication additive, la société produit des implants sur mesure et des implants standards.
Alexandre Baelde explique que leurs « implants permettent de créer rapidement la fusion entre les vertèbres. L’idée est d’avoir des propriétés surfaces faciles à la résistance par l’os tout en intégrant correctement les propriétés mécaniques. » La fabrication de poudre métallique (titane) dans des machines SLM est utilisée par Medicrea, notamment avec la technique de fusion par dépôt laser.
Parlant des deux types d’implants fabriqués avec l’impression 3D, Alexandre Baelde explique : « Pour les implants sur mesure, la technologie permet de faire des implants très adaptés. Ce sont les implants les plus complexes, le fait d’avoir quelque chose de sur-mesure facilite « le geste opératoire ». Les implants s’adaptent mieux aux structures car ils apportent une solution qui n’existe pas et produisent un résultat post-opératoire idéal.
Au niveau des gammes plus standards, il faut d’abord comprendre que l’offre de produit est basée sur la customisation et la planification. On a des médecins qui travaillent sur les algorithmes pour la customisation. Pour la planification par contre, le chirurgien a le choix de l’adapter en son besoin, à la pathologie qu’il souhaite traiter. »
Le point de vue du Dr. Simon Weidert sur le coût de la prothèse et le temps de production
Dr. Simon Weidert est spécialiste en traumatologie orthopédique et travaille à l’Université de Munich. Il a aussi créé trois sociétés qui ont des activités différentes dans l’industrie médicale. L’impression 3D dans le secteur médical constitue un des thèmes principaux de sa recherche.
Dr. Weidert compare le coût et le temps de la fabrication traditionnelle d’une orthèse avec la fabrication additive. Parlant de la fabrication additive, il met en avant l’importance d’avoir un bon logiciel et de savoir comment l’utiliser : « Si vous devez concevoir une orthèse pendant 30 heures, personne ne paiera pour cela. Mais avec une imprimante 3D, le modèle s’adapte parfaitement au corps, à votre douleur et la fabrication est rapide. Ainsi, seul le logiciel combiné avec l’imprimante 3D peut vous donner la liberté de concevoir des pièces et des analyses dans la structure du cadre, parfaitement adaptées à votre besoin »
Dr. Weidert mentionne son activité à Mecuris, société spécialisée dans les prothèses personnalisées comme exemple :
« Il y a des enfants qui naissent sans pied. Ils peuvent perdre un pied dans un accident. Ils ne savent pas comment courir parce que leur prothèse imprimée en 3D disponible sur le marché ne le permet pas. La qualité est mauvaise parce qu’aucune entreprise ne veut investir dans cela. »
« Chez Mecuris, nous avons créé une prothèse imprimée en 3D pour permettre à ces enfants de marcher et de continuer leurs activités. Cela peut changer la vie d’une personne et redonner confiance. Il s’agit de transformer un produit paramétrique en un produit unique. »
Industrie dentaire
En 2017, l’impression 3D s’est généralisée dans l’industrie dentaire. Alors que l’industrie des additifs continue de se transformer, dans son ensemble, vers les applications de fabrication, le chemin de croissance de la plupart des technologies d’impression de polymères existantes a quelque peu fléchi en comparaison historique. Cela a permis à des applications bien établies et de grande valeur dans le domaine des soins de santé de briller et d’attirer l’attention des parties prenantes de l’industrie.
Les dentistes tirent de plus en plus parti des flux de travail numériques et des processus de fabrication, ayant depuis longtemps identifié que la dentisterie numérique représentait l’avenir de l’industrie. En effet, l’impression 3D est bien placée pour devenir le premier processus numérique dans la fabrication dentaire mondiale grâce à sa flexibilité dans la production efficace et précise des modèles dentaires aux aligneurs orthodontiques en passant par les restaurations PFM, les prothèses dentaires et bien d’autres.
Les fabricants d’imprimantes 3D développent et mettent sur le marché des machines de plus en plus innovantes, permettant un meilleur traitement dentaire en rapprochant la fabrication de dispositifs personnalisés du point de service – dans le cabinet du dentiste. Parmi ceux-ci on peut citer entre autres EnvisionTec, DWS, Formlabs, Shining 3D, dont les machines sont les plus utilisées par les professionnels des soins dentaires.
Prototypage d’outils et d’équipements médicaux
Que ce soit pour la fabrication des prototypes d’équipements médicaux, ou encore des moules pour une production de prothèses en masse, les méthodes de fabrication traditionnelles exigent généralement un outillage ayant un impact sur les délais et les coûts de production. Ces derniers augmentent avec la complexité de la conception (formes et dimensions).
L’efficacité et la flexibilité des technologies d’impression 3D complètent la fabrication traditionnelle, en permettant aux fabricants d’équipements médicaux de repousser les limites de l’innovation, de réaliser davantage de révisions de la conception et de l’outillage en un temps réduit, tout en réduisant les coûts, en simplifiant les opérations et en accélérant les délais de commercialisation.
Pour ceux qui n’ont pas toujours les moyens de payer pour un tel service, des organisations à but non lucratif telles que Open BioMedical Initiative (OBM) permettent de remédier à cette situation. En effet, OBM a pour but de soutenir le domaine biomédical et « se concentre sur la conception, le développement et la distribution de supports de santé et d’accessibilité 3D en open source, à faible coût et imprimables en 3D. » L’idée n’est pas de remplacer les structures existantes sur le marché, simplement de travailler avec elles et améliorer l’industrie médicale en y intégrant l’impression 3D.
Guides chirurgicaux
L’impression 3D alliée à l’imagerie médicale peut s’avérer précieuse en permettant aux chirurgiens de disposer de la copie exacte de l’organe à opérer. Cela donne la possibilité au corps médical de visualiser à l’avance les parties du corps pour préparer les opérations ou former les équipes.
Point de vue de Daniel Crawford, CEO d’axial3D sur les guides chirurgicaux
Axial3D est une société spécialisée dans l’impression 3D pour les applications médicales. Daniel Crawford explique qu’axial3D aide à préplanifier une opération en préparant tout équipement dont un chirurgien va avoir besoin avant d’aller en chirurgie. Cela permet de gagner du temps en chirurgie et donc d’améliorer les soins aux patients, c’est-à-dire des saignements ou des risques d’infection.
Pour Daniel Crawford, l’amélioration des soins aux patients passe d’abord par l’amélioration du travail du médecin :
« – Tout d’abord, améliorer la pré-planification de la chirurgie du patient. Donc, pour les orthopédistes, disons que vous avez une blessure grave, le chirurgien peut effectivement prendre des plaques et des vis existantes sur les étagères et les pré-bandes. Tout ce que nous préparons est à l’échelle 1: 1 (1 à 1).
- La préparation s’effectue sur l’anatomie exacte qu’il faut opérer, ce qui va réduire le temps d’opération du patient, et de fait la quantité de saignement ainsi que le risque d’infection du patient.
- Cela améliore également la façon dont beaucoup de chirurgiens peuvent être formés. Ainsi, les chirurgiens inscrits qui travaillent habituellement sur des patients ou qui développent leurs compétences ne peuvent faire ce genre d’opérations que dans la salle d’opération, mais si nous leur donnons la possibilité de faire fonctionner les procédures à sec avant d’entrer en salle d’opération, cela améliore les soins du patient. »
Exemple de cas patient :
Pour illustrer cela, Daniel Crawford raconte l’histoire d’un garçon de 8 ans, patient à l’hôpital Royal Victoria de Belfast. Il a été présenté au chirurgien avec l’incapacité de bouger son bras… Et cela affectait sa capacité à écrire, à faire du sport et à mener ses activités quotidiennes. De façon traditionnelle, pour le traiter, il aurait fallu retirer des os (le radius et le cubitus) qui s’articulent à la double articulation avant d’entreprendre d’autres procédures qui auraient pris entre 3-4 heures.
Cependant, une fois les tomodensitogrammes relevés et les modèles imprimés 3D préparés pour le chirurgien, les médecins ont pu voir que ce n’était pas vraiment la déformation qui posait problème, c’était une difformité des tissus mous qui causait le problème. Il fallait exécuter « une chirurgie en trou de serrure » – Les médecins été capables de le faire en 30 minutes ce qu’ils auraient dû faire en une chirurgie de 4 heures.
« Il y avait beaucoup MOINS de saignements, beaucoup moins de chance d’infection et j’ai aussi entendu que le patient pouvait quitter l’hôpital le même jour ce qui n’aurait pas été possible sans l’utilisation du modèle imprimé en 3D », affirme Daniel Crawford.
Formation clinique
La formation clinique se présente comme le domaine d’application capable de tirer le mieux profit des atouts de la technologie de fabrication additive. Le corps humain étant complexe et très variable, même les mannequins médicaux les plus sophistiqués ne représentent qu’une anatomie ordinaire. Les diverses options utilisées par les formateurs, présentent des limites dans leur capacité à représenter totalement et de façon cohérente un concept ou une pathologie particulière.
Sans modèles pertinents cliniquement, les médecins et les étudiants sont privés des avantages d’une expérience pratique. La formation est plus longue et nécessite des heures d’apprentissage avant qu’ils n’acquièrent les compétences et le savoir nécessaire pour effectuer un travail clinique de qualité. L’impression 3D multi-matériaux permet de créer des modèles réalistes, précis, polyvalents et à moindre coût, facilitant ainsi le travail du corps médical.
Certaines sociétés médicales sont spécialisées dans ces formations. Dr. Simon Weidert nous explique qu’à Medability, l’impression 3D et les technologies sont utilisées pour permettre aux chirurgiens de mieux se préparer avant d’entrer en salle d’opération. « Nous fournissons une formation de qualité partout et permettont une acquisition rapide des compétences. (Simulateur – entraînement – opération) », affirme le médecin.
Par ailleurs, d’autres spécialistes de l’impression 3D tels que Stratasys, proposent des modèles incluant toutes les fonctionnalités nécessaires pour transmettre les concepts clés, notamment les détails visuels et tactiles les plus subtils.
Avantages et Limites
Sur base de nos recherches et des avis des professionnels qui ont participé à ce dossier, on note ces avantages et ces limites quant à l’utilisation de l’impression 3D dans le secteur médical :
- Impression 3D utile en chirurgie complexe
- En chirurgie reconstructrice, vous prenez vraiment en compte beaucoup de questions qui auraient pu avoir pendant l’opération (au niveau de la préparation d’une intervention chirurgicale).
- Au niveau de la production de série à liberté de forme, possibilité de faire des choses plus techniques, possibilité de fabriquer des petites séries de pièce.
- Pour des projets en cours de développement à possibilité de faire des prototypes. On a plus d’agilité dans la façon dont on travaille et on va vite dans les phases de conception
- Formation et gain de temps dans la préparation des chirurgiens
- La disponibilité de la technologie 3D : la maîtrise du logiciel et son utilisation avec l’imprimante adéquate
- Attention à la réglementation dans le secteur de l’impression 3D médicale : tout n’est pas encore permis
- La îtrise du matériau est essentielle mais aussi lma’acquisition de nouvelles compétences.
- C’est toujours une technologie que beaucoup de professionnels de la santé ne connaissent pas et beaucoup de gens n’ont pas la ressource pour apprendre comment produire un modèle 3D.
Conclusion
L’impression 3D dans le secteur de la santé montre qu’il y a une très bonne évolution dans l’amélioration des soins du patient, néanmoins les limites montrent que la technologie n’est pas encore assez présente dans le milieu hospitalier. Il est donc nécessaire de faire prendre conscience aux professionnels de la santé de son potentiel dans le traitement des patients.
Par ailleurs, si la technologie est encore en train de faire ses débuts dans le secteur médical, il ne faut absolument pas perdre de vue la réglementation qui encadre cela et les nouvelles compétences que cela implique.
Ce dossier a originellement été publié dans le numéro d’avril 2018 de 3D ADEPT Mag. Il est maintenant possible de poster gratuitement des opportunités d’emplois dans l’industrie de la Fabrication Additive sur 3D ADEPT Media.
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