Comme pour tant d’autres technologies révolutionnaires, il s’agit de trouver un équilibre entre ce que la technologie de fabrication additive est réellement capable de faire et ce qui est tout simplement impossible. Plusieurs défis dans divers secteurs de l’industrie doivent encore être surmontés, mais l’un des plus importants est de pouvoir séparer le mythe de la réalité. Markus May de 3Faktur et Jo De Groote de ZiggZagg s’appuient sur leur expérience respective de l’industrie pour aborder les idées fausses et les stéréotypes actuels liés à la FA à ce stade du marché.
3Faktur et ZiggZagg sont deux bureaux de service d’impression 3D. Le premier est basé en Allemagne et le second en Belgique. Les deux sociétés s’appuient principalement sur la technologie MJF de HP pour fournir à leurs clients des services de fabrication additive. D’autres technologies comprennent les machines de stéréolithographie et certains systèmes de fabrication conventionnelle.
3Fakur fournit ses services à des clients dans une large gamme de secteurs : automobile, médical, machines, défense, biens de consommation, optique et haute technologie. ZiggZagg, d’autre part, cible l’industrie du moulage par injection, l’aérospatiale, les bureaux d’études ainsi que les biens de consommation, l’automobile et le médical.
Markus May est le fondateur et CEO de 3Faktur tandis que Jo De Groote est le directeur commercial de ZiggZagg. Compte tenu de leur vaste expérience dans l’industrie, les bureaux de service d’impression 3D sont particulièrement bien placés pour avoir une opinion objective sur ce sujet.
Alors, quel est l’état d’esprit du client ?
Deux raisons principales peuvent expliquer la montée des idées fausses et des stéréotypes dans le milieu de la Fabrication Additive industrielle :
– La première est le manque de connaissances. Les professionnels qui sont enclin à adopter la fabrication additive peuvent avoir beaucoup d’idées concernant l’utilisation de la technologie. La plupart de ces idées ne sont tout simplement pas vraies parce qu’elles viennent de leur imagination plutôt que de faits et d’études réels.
– La deuxième raison est que les utilisateurs industriels potentiels ont parfois déjà une expérience de l’impression 3D à la maison. Dans ce cas, ils appliquent mentalement leur expérience de l’impression 3D domestique à la fabrication additive plus formelle de composants critiques dans un environnement de production.
En parlant de leurs clients, Markus May explique que « certains clients moins expérimentés ont tendance à penser que l’impression 3D est principalement une technologie destinée aux « amateurs ». D’autres, cependant, croient que l’impression 3D peut être utilisée pour n’importe quoi, même pour l’impression de pièces multi-matériaux complexes avec l’électronique. »
Pour Jo De Groote, avoir « une variété de clients qui ont déjà une expérience dans la fabrication additive est beaucoup plus facile lorsqu’il s’agit de fournir un service d’impression 3D. En fait, lorsque le client ne connaît rien à la fabrication additive, il y a beaucoup de travail à faire pour le convaincre de se plonger dans cette technologie. »
La fabrication additive est un autre type de fabrication traditionnelle
Un grand nombre d’articles ont suggéré que la FA remplacera la fabrication conventionnelle/traditionnelle. Ceux qui connaissent bien la FA la considèrent comme un complément à la fabrication traditionnelle ou conventionnelle, tandis que ceux qui ne la connaissent pas la considèrent comme un autre type de fabrication conventionnelle.
« Avant de fournir un service à un client qui tire profit des procédés de fabrication conventionnelle, nous visitons d’abord son usine de fabrication. Leur usine de fabrication vous dira comment ils pensent. Notre observation jusqu’à présent est qu’ils sont traditionnellement formés à la mécanique. Ainsi, chaque question relative à une nouvelle approche de fabrication ne donnera lieu qu’à une réponse basée sur un mode de pensée conventionnel (par exemple, enlever la poudre). C’est compréhensible, mais d’un autre côté, cela mène à une idée fausse dans une première tentative d’exploration de la fabrication additive industrielle », explique le directeur commercial de ZiggZagg.
La vérité ?
La FA est un processus de fabrication distinct et unique. Certaines pièces ne peuvent être produites que par FA alors que d’autres ne peuvent être produites que sur une machine CNC à trois axes. Ces deux types de technologies seront encore exploitées à l’avenir. En fait, le véritable défi pour les ingénieurs sera de savoir quand utiliser la FA au lieu d’un autre type de processus de production pour ajouter une réelle valeur au développement de produits.
La FA ne nécessite qu’une simple pression sur un bouton
L’une des croyances les plus répandues à propos de l’impression 3D est la façon dont fonctionne une imprimante 3D. La plupart des utilisateurs comparent l’impression 3D à l’impression 2D : il suffit d’appuyer sur le bouton « imprimer » et la pièce est prête à l’emploi en quelques minutes. Cette analogie est une croyance courante chez les nouveaux utilisateurs (amateurs et professionnels).
La vérité ?
Un processus industriel d’impression 3D nécessite beaucoup de temps dans la préparation de la conception et le post-traitement pour s’assurer que les pièces sortent comme souhaité. Afin d’éliminer cette complexité, un nombre croissant de systèmes matériels automatisés sont lancés sur le marché. Sans compter que les entreprises ont également développé des logiciels pour améliorer et rationaliser les processus de FA, de la préparation de la conception à la gestion du flux de travail.
Cependant, les clients industriels n’ont peut-être pas cette idée fausse. Markus May déclare à propos de ce mythe : « La FA ne produit que des pièces brutes, qui doivent être finies afin de remplir leur fonction prévue. D’après notre expérience, la plupart des clients comprennent bien que ce n’est pas le cas. »
« La FA est la seule façon de faire »
C’est une croyance courante que Jo De Groote entend souvent. « Certaines personnes pensent que, dans quelques années, tout sera construit par FA », dit Jo. En ce qui concerne cette affirmation, le fondateur de 3DFaktur limite l’utilisation de la FA à un petit sous-ensemble de pièces.
Depuis de nombreuses années et encore aujourd’hui, un grand nombre de personnes pensent que presque tout peut être fait par fabrication additive. Les entreprises ou les médias ont certainement encouragé cette idée fausse en dévoilant des cas d’utilisation de projets qui présentent des formes complexes qui ne peuvent être réalisées que par des processus de FA.
Ce type de cas d’utilisation a en quelque sorte renforcé l’idée selon laquelle la FA est la solution magique à tout.
La vérité ?
L’impression 3D peut faire des merveilles pour améliorer la géométrie d’une pièce. La technologie ouvre certes de nouvelles opportunités dans la fabrication, mais en fin de compte, elle reste un outil dans la boîte à outils, avec ses propres limites et ses applications appropriées.
« Les pièces de FA sont plus petites que les pièces conventionnelles »
Cette croyance soulève la question de l’intégrité mécanique et de la qualité des pièces de FA par rapport à celles fabriquées traditionnellement. De plus, elle apparaît souvent dans les environnements de FA métallique.
Pour assurer l’intégrité structurelle des pièces fabriquées de manière additive, il est nécessaire d’établir des relations « processus-structure-propriété-performance », en particulier lorsque ces composants et structures sont utilisés dans des applications critiques pour la sécurité. Tous ces éléments ne sont pas analysés de la même manière dans un procédé de fabrication conventionnel, d’où la différence entre les propriétés des pièces fabriquées de façon additive et celles produites par la fabrication conventionnelle.
Un exemple flagrant est donné au niveau de la conception. Comme le disait Jo De Groote, « le design change, mais la pièce reste la même. » La pièce doit être conçue pour la FA afin de permettre une réduction des matériaux et du poids, ce qui se traduit par une meilleure fonctionnalité. De plus, le coût total du matériel serait plus bas parce que moins de matériel serait utilisé.
Une autre vérité logique serait d’analyser les volumes de construction des imprimantes 3D. Il existe sur le marché une large gamme de systèmes d’impression 3D capables d’imprimer de grandes et petites pièces inattendues. La technologie Electron Beam Additive Manufacturing (EBAM) de Sciaky par exemple, est connue pour la création de dômes géants en titane pour les réservoirs de carburant des satellites.
L’impression 3D équivaut uniquement à la technologie FDM/FFF
L’impression 3D est devenue synonyme de la technologie additive la plus populaire : la FDM (Fused Deposition Modeling) connue sous le nom de fabrication de filaments fondus (FFF).
Le fondateur et CEO de 3DFaktur explique cela : « Il y a des idées fausses d’ordre technique ainsi que des attentes différentes de la part de clients moins expérimentés. Sur le plan technologique, les personnes moins expérimentées ont tendance à croire que l’impression 3D équivaut à la technologie FDM/FFF (p. ex. elles demanderaient avec quoi nous imprimons les pièces intercalaires). De plus, le niveau d’attente tend à être trop élevé dans certains cas (par exemple, les surfaces de moulage par injection sont attendues) ou trop bas (par exemple, croire que les pièces imprimées en 3D ne sont pas très professionnelles et ne pourraient pas être utilisées pour des pièces destinées à une utilisation finale). »
L’explication de Markus dévoile d’autres idées fausses que les professionnels moins expérimentés pourraient avoir, mais en parlant de l’impression 3D en général, ce n’est un secret pour personne qu’il s’agit d’un terme générique qui englobe un large éventail de processus de FA : SLA ; DLP, SLS, SLM, SLM, DMLS, WAAM et bien plus encore.
Aucune compétence de fabrication, moins de main-d’œuvre
Il existe un grand nombre de processus de FA automatisés qui fonctionnent sans intervention manuelle. Certains d’entre eux ont un feedback intégré et un contrôle en temps réel tandis que d’autres nécessitent l’acquisition de données pour signaler des conditions anormales.
La vérité ?
La plupart des emplois dans les procédés de fabrication additive reste au niveau de l’opérationnel : configuration de la machine, surveillance du processus et post-traitement.
Les activités de soutien telles que l’étalonnage et l’entretien seront tout aussi critiques sur ces machines que pour tout autre processus de fabrication. De plus, dans certains cas, comme l’environnement matériel, le besoin de main-d’œuvre humaine est encore plus important, mais ces professionnels n’auront pas besoin de compétences spécifiques en FA.
Enfin, de nombreuses machines de FA empêchent les utilisateurs de contrôler ou même de connaître de nombreux paramètres de fonctionnement en raison de restrictions de propriété intellectuelle. Dans ce cas, ils ne permettent tout simplement pas d’intervenir avec de nombreux paramètres.
Conclusion
Au fur et à mesure que la FA gagnera en popularité, davantage de ressources seront mises à disposition pour permettre une plus grande acceptation de la technologie. Savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, tout en séparant les mythes de la réalité, peut aider les décideurs dans leur stratégie. La véritable perturbation ne peut se produire que si tous les aspects de la fabrication actuelle sont examinés.